jeudi 18 juin 1998

Seule la cloche de bord refait surface à Nyon après le naufrage du "Rhône"

Hier soir, le Musée du Léman à Nyon accueillait en fanfare l'unique vestige du cargo mixte qui gît depuis 1883 par 300 m de fond au large d'Ouchy. .



Le Léman a aussi son Titanic. A l'heure où le battage médiatique autour de la superproduction américaine s'est tu, la dramatique histoire du naufrage du Rhône au soir du 23 novembre 1883 refait surface. Par temps houleux, et fort vent, le cargo mixte construit en 1855 rentrait d'Evian à Ouchy le fatidique soir, quand il fut éperonné par le Cygne, un autre vapeur faisant cap sur la station thermale française. En raison du mauvais temps, tous deux avaient dévié de l'itinéraire habituel.
Récit terrifiant
Mais laissons la parole à un rescapé du drame qui fit alors quatorze victimes: "J'entrevis la forme blanche du Cygne, tranchant sur l'obscurité de la nuit, se précipiter furieusement sur nous. Un craquement sinistre me fit instantanément comprendre que le Rhône était condamné(...). Des cris inarticulés, cris de désespérés, cris d'angoisse et de terreur partaient du pont, poussés par des voix féminines (...). Le Rhône coulait bas avec une rapidité telle que tout secours fût arrivé trop tard. Les cris se faisaient de plus en plus déchirants. Puis l'eau s'engouffra dans la machine. Les cris cessèrent. Le drame avait duré cinq minutes à peine. A cette scène lugubre, terrifiante, succéda un calme relatif, un moment d'apaisement. On n'entendait plus que le bruit des vagues."
Un passionné découvre l'épave
Cent ans après le drame, en 1984, Gilbert Paillex, un passionné de l'histoire du Léman, a réussi, grâce à un écho-sondeur, à localiser l'épave et à l'explorer à l'aide d'un robot muni d'une caméra. "Cela faisait des années que nous recherchions le Rhône dans un périmètre déterminé par les récits d'époque. Nous savions que le Cygne avait mis environ vingt minutes pour rejoindre Ouchy, que les deux navires naviguaient l'un contre, l'autre avec le vent et qu'ils avaient dévié à l'ouest par rapport à leur route habituelle", se souvient-il.
Il a finalement réussi à situer l'épave par 300 mètres de fond au large d'Ouchy où il repose toujours sur un lit de boue. Avec l'accord des autorités vaudoises, la cloche de bord, permettant d'identifier le navire, a pu être ramenée à la surface. Propriété du découvreur et de l'association Patrimoine du Léman, elle a rallié hier, en bateau, le Musée du Léman à Nyon (voir encadré). Elisabeth Guyot-Noth

La cloche engloutie a trouvé un port d'attache
A 19 h 33 tapantes et par un soir radieux, le Rhône III, descendant direct du bateau englouti, s'est amarré au débarcadère de Nyon pour décharger, sous les applaudissements d'un public averti, le précieux vestige. La cloche de bord du Rhône I, rouillée par son long séjour au fond du lac, est enfin arrivée à destinée. Elle sera res taurée et exposée d'ici peu au Musée du Léman à Rive. "Ce site voué au lac nous a paru l'endroit idéal pour accueillir cet objet chargé d'histoire, assurait Stéphane Golay, président de l'association Patrimoine du Léman, copropriétaire de la cloche avec son découvreur, Gilbert Paillex. "C'est une longue histoire qui prend enfin une tournure concrète ici à Nyon", soulignait l'homme par qui le premier bateau appelé Rhône a repris vie plus de cent ans après sa disparition.
Michel Maye, municipal nyonnais, a tenu à souligner que ce don exceptionnel confirmait la reconnaissance du caractère lémanique du musée. L'inventeur du mésoscaphe, Jacques Piccard, également de la partie, s'est souvenu des moments magiques des approches en sous-marin de l'épave mythique d'un des plus grands et prestigieux vapeurs de l'époque. Fier de sa mission particulière, le capitaine du Rhône III, Jean-Pierre Doninelli, a donné, du haut du pont, le signal du départ.
Non sans pincement au coeur, en laissant la cloche historique à quai, au milieu des vins d'honneurs, des discours et des nombreux amoureux du lac venus à la rencontre de ce précieux vestige qui a trouvé un port d'attache... à Nyon. Ð (egn)

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